TOITURE TRADITIONNELLE EN LAUZE ET EN GENÊT


   

LA MONTAGNE

Puissantes bâtisses de la Montagne caparaçonnées de lauzes, ou paillisses à l'abri de quelques bouquets d'arbres, perdues sur la lande, et en ayant tiré jusqu'à la parure des genêts de leurs couvertures, abritant sous un même manteau : hommes, bétail et fourrage. Une maison qui ne s'oublie pas !
Enfouie sous les mousses et les pariétaires, basse, affaissée, au revers de quelque colline semée d'étranges mégalithes, elle s'harmonise au paysage, témoignant d'une lointaine architecture. Originale, pratique, adaptée au climat, elle fait partie intégrante du Pagel.

LA PAILLISSE DANS SON ENVIRONNEMENT

Ici,comme ailleurs, la maison paysanne est indissociable de son environnement. Solitude parfaite de cette paillisse en ruine sur la lande. Solitude sauvage qui vous prend à la gorge avec une sensation de bout du monde.
Habitat parfaitement intégré au paysage qui a emprunté à la lande le genêt de sa couverture. Utilisation rationnelle du matériau que l'on a à portée immédiate.



MON PAYS EST COMME UN NAVIRE SUR LA MER
(Roger de PAMPELONNE)

Les pannes reposant sur la charpente reliant les arbalétriers ou tenaï sont constituées par des tiges minces de sapin. Dans les constructions les plus modestes le réseau de pannes est fait de branches plus ou moins droites et fendues dans le sens de la longueur. Elles portent le nom de lattes. Entre ces lattes, des branches de sapin ou garnes très fournies sont entrelacées sur une hauteur de 5 à 6 cm très serrées.
C'est sur ce treillis de branchage terminé, sorte de canevas, que l'ouvrier vient piquer le brin de genêt.


TOIT EN GENET

L'artisan, qui est presque toujours le propriétaire ou le fermier, chargé de piquer les brins de genêt, balai ou rigots, opère en commençant par le bas de la toiture jusqu'au sommet en prenant une rangée de 1m environ. Il glisse dans ces entrelacs les genêts verts d'une longueur de 25 à 30 cm et suffisamment touffus en leur donnant un angle de 25 à 30°. Ils sont piqués les uns à côté des autres et très serrés, et l'on a soin de les tasser avec le poing.
Le fraîtage est ici constitué de mottes de terre délicatement prélevées dans la lande et adroitement posées sur la faîtière avec des crampons en bois, les palançons, sorte de chevilles de 5à cm de long enfoncée dans la palisse, pour les maintenir.
Ailleurs, ce faîtage peut être réalisé à l'aide de planches très larges de 35 à 40 cm, cloué sur les deux planches. Cette faîtière en bois de section triangulaire porte parfois le nom de sarrade.
A noter le coffre de bois, posé sur la souche de cheminée, dont la hauteur a été jugée insuffisante, dans le but d'en faciliter le tirage.

ELOGE DE LA CHEMINEE

De l'extérieur, ces cheminées émergent par leurs souches. Particulièrement soignées, elles sont avec les toitures à la base de l'harmonie de l'habitation, et constituent un élément fondamental du paysage.
Elles matérialisent la vie secrète, la vie intérieure du foyer, assimilées au feu, à la famille.
Lorsque l'on emploie le genêt en couverture, l'énorme souche carrée, éloignée le plus possible du toit, pointe, sur la face sud, très haut à cause des risques d'incendie, mais aussi pour pouvoir échapper à la neige et assurer un tirage d'ailleurs très relatif.

LA CAVE

A proximité immédiate de la maison ce petit bâtiment couvert de genêt, est intérieurement vouté. Il sert de cave à pommes de terre. Ici le faîtage est réalisé en sarrade.


CAPARACONNEE DE LAUZES

Ce qui doit être hiver, on le voit assez par les lourdes plaques de lave qui pèsent sur les toitures inclinées jusqu'à terre, par les proches avancées, défenses nécessaires de ces maisons contre l'amoncellement des neiges.
Massive, trapue, faite pour braver les siècles, adossée à une pente au centre de ses pâturages ou de ses landes, ou blottie dans un repli de terrain contre un épaulement de terre qui la protège des vents du Nord, cette grange est basse, comme écrasée par sa lourde carapace de lauzes.
Conçue pour abriter du froid et protéger la seule richesse du pagel, son bétail, c'est une maison construite pour braver neige et vent. Sous sa provision de foin, elle réunit, bien au tiède, bêtes et gens dans une région où l'hiver dure six mois de l'année. La grange immense, à elle seule, se réserve les deux tiers du cube total, accessible de l'extérieur aux chars et aux bêtes de bât, soit de plain-pied lorsque le maison est adossée à la pente, soit comme ici par une sorte de plan incliné, le moustadou ou muntado.
L'homme se partage le rez-de-chaussée avec le bétail. On pénètre d'ailleurs chez les uns et les autres par la même entrée, l'arcas, sorte de porche vouté où se trouve la source dont la présence a souvent déterminé l'emplacement de la maison.
Telle est la maison du plateau, basse er trapue, constitue en basalte ou en blocs de granite, sans crépissage, toute ramassée avec dépendances, comme pour un combat.
Pour combattre le froid, les murs sont épais et massifs (de 0,80 à 1,20 m) presque sans ouvertures. A l'origine, ces murs si épais soient-ils, sont construits sans mortier : granit et basalte sont liés par de la terre glaise compactée, rejointoyés par le suite au mortier de chaux sans crépi. Seuls, les piédroits, jambages, linteaux, claveaux et chaînes d'angle sont taillés au ciseau dans du granit assez fin.
Si l'on compare les couvertures de lauzes et de genêt, on constate que la lauze adoucit la pente du toit (de 37 à 40° contre 60° pour le genêt) mais nécessite de par son poids, des charpentes énormes en sapin. Les fermes ou pointes très frustes, au bois à peine équarri, sont espacées de 1,30 à 1,40 m.


Sur cette photo, le raccordement des deux niveaux de toiture par un coupe biaise est particulièrement réussi et prouve une fois de plus la maîtrise du charpentier et du lauzeur. Le faîtage, constitué de grosses gouttières renversées de trachyte gris ou de lave rougeâtre se prêtant à la taille posées comme d'énormes tuiles faîtières, scellées au mortier de chaux sur les dernières lauzes pour former un bastel, est très employé dans le secteur Gerbier-Mézenc.


QUI BIEN LAUZE, POUR CENT ANS POSE


Ces lauzes sont de lourdes plaques de phonolithe sonore. Sombres, d'un gris-bleu acier, de 2 à 3 cm d'épaisseur, elles peuvent atteindre des dimensions de 0,60 à 0,70 m, ce qui représente un poids considérable au mètre carré et nécessite des charpentes robustes. D'autant qu'à ce poids il faut ajouter les charges de neige et les coups de burle qui en hiver ébranlent ces bâtisses.
Sur les arbalétriers sont fixés les ais, planches en sapin formant platelage très frustre sur lequel reposent les lauzes. Mais comme ces lauzes, extrêmement dures, ne peuvent pas être percées, le couvreur leur taillant des encoches, sur le toit, au moment de les placer, et les fixait au moyen de deux chevilles de bois dur par les deux crans ménagés latéralement. Taillées à la hache, ces chevilles étaient chassées " à force " dans les ais jusqu'à affleurer la face supérieure de la lauze, et permettre la mise en place de la lauze suivante posée à recouvrement des deux tiers. Les chevilles dépassaient largement à l'intérieur du comble. Parfois elles étaient remplacées par des clous forgés.
La couverture était posée de bas en haut avec des lauzes, de dimension décroissante, les plus grandes étant en raison de leur taille disposées plus horizontalement sur l'arasement du mur grouttereau. Cela évitait qu'elles exercent trop forte traction sur les chevilles les fixant sur les premiers ais, tout en constituant une rive de toit en " toboggan ", écartant l'eau et les masses glissantes de neige du bord du mur.


HAMEAU CEVENOL DANS LE SECTEUR DU GRANIT


Tapi dans le creux du vallonnement, il se tasse, serré de toutes ses maisons de granit gris chapeautées de lauzes.
Ces façades tournées au Nord sont avares d'ouvertures. La pluie charriée par le vent vient du Midi, aussi les moraines du faîtage en cuberte sont-elles visibles.
Bien qu'appartenant à la Cévenne, il faut rattacher cet habitat de haut plateau à la Montagne. Eu égard à l'économie, ces grandes solitudes herbeuses sont propices à l'élevage, même si c'est le cheptel ovin qui prédomine.

L'HOMME ET LES MATERIAUX

Les matériaux de la région du Mézenc ont été utilisés au maximum de leurs possibilités. Ils ont servi de liant, de matériaux de construction et de décoration et, enfin, de couverture.
Les liants : des argiles, feldspathiques, micacées, parfois sableuses résultant de l'altération soit de filons trachytiques soit de roches de socle cristallin, étaient utilisées en de nombreux points du plateau comme mortier, d'où leur nom. Elles se trouvaient en petits glissements très localisés (Borée, Cros-de-Géorand, Sainte-Eulalie, etc.) dont l'épaisseur ne dépassait pas 2 à 3 mètres. D'autres matériaux participaient et participent toujours à la fabrication de mortier. Il s'agit des " sables " appartenant aux formations de maar comme ceux de Molines et des arènes granitiques riches en quartz comme ceux d'une pierre située au pied du nord de la Roche Pointue (Dent du Mézenc)
Les matériaux de construction : les roches dures des environs du Mézenc ont servi trop tôt à l'homme, puisqu'elles ont été utilisées pour l'édification d'un dolmen à Echamps, il y a quelques millénaires. Selon leur mode de débit, elles avaient chacune une utilisation particulière. Trachytes sombres, basaltes, phonolites massives et roches cristallines grossière ont servi à la réalisation de moellons pour les bâtiments. La taille de ces roches ne pouvait jamais être parfaite. Trachytes clairs, brèches d'explosion, scories basaltiques soudées rouges et roches finement grenues et homogènes du socle cristallin, susceptibles de constituer de belle pierre de taille, servaient à la réalisation de chaînage, linteaux simples ou décorés ou à des constructions soignées. Un choix judicieux de différents matériaux permettait de créer des effets de polychromie absolument remarquables.
Le plus bel exemple dans ce domaine est donné par l'église de Borée. Les trachytes, particulièrement ceux extraits de carrière du Viallard, servaient également à la réalisation de bacs pour la conservation des huiles, des salaisons ou pour faire boire du bétail (" bachats "). Avec les brèches d'explosions et les scories soudées (" triffou "), ils étaient également utlisés dans la confection des " tuiles " faîtières, de croix, de socles de croix, etc.
Les couvertures : deux matériaux ont servi pour la couverture des toits. Il s'agit des phonolites et de l'argile.
Les phonolites, grâce à leur débit naturel en dalles ou en lauzes, dû à l'orientation planaire des cristaux dans la direction de déplacement de la lave, ont constitué des matériaux de choix pour la réalisation des couvertures des maisons du plateau. D'ailleurs, un toit bien fait était garanti pour près d'un siècle, ce qui a donné naissance au proverbe bien connu : " qui bien pose lauze, pour cent ans pose ". Il est certain que les charpentes et les murs de soutien doivent être conçus en conséquence, car une telle couverture pèse jusqu' à 250 kg au mètre carré ! Il est aisé de comprendre qu'aujourd'hui, malheureusement d'autres matériaux, moins nobles peut-être mais plus légers, soient utilisés pour les toitures. Pour fournir les lauzes, des carrières importantes ont été ouvertes sur des pitons phonolitiques comme le Mont Signon qui était exploité dès le Moyen Age.
L'argile utilisée est celle d'âge miocène qui se trouve coincée entre le socle cristallin et la carapace volcanique. Le gisement le plus connu est Cornuscle, entre Dornas et Arcens. Il a alimenté plusieurs tuileries mais n'est plus exploité depuis une quarantaine d'années. L'argile servait à la fabrication de tuiles que l'on retrouve parfois sur de vieux toits de bâtiments des vallées. Sur le plateau toutes les couvertures n'étaient pas en phonolite, certaines étaient en tuiles comme dans la région de Cirgues-en-Montagne.
De nos jours la tuile chasse peu à peu la lauze, comme autrefois la lauze avait chassé le genêt. Autres temps, autres mœurs !

      


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